Conférence de physique en prison : une initiative de vulgarisation originale
C’est l’histoire aussi d’une idée lumineuse : et si la science devenait un outil d’émancipation et de découverte, même dans des contextes inattendus ?
C’est ainsi que tous deux étaient le 5 décembre au cœur de la prison des Baumettes à Marseille avec leurs lasers, pour une conférence expérimentale, à tous points de vues.
Franchir les murs pour décloisonner les savoirs
En marge de la Fête de la Science annuelle qui a eu lieu à l’automne, Julien Fade et Loïc Le Goff, tous deux chercheurs en optique à l’Institut Fresnel, ont décidé de proposer une conférence expérimentale à la prison des Baumettes. Un environnement où les discussions scientifiques se font plutôt rares. Cette conférence imaginée pour un public non initié combine des expériences de démonstration interactives et des explications simples, accessibles à tous.
Pour Julien, c’est une belle occasion de décloisonner les sciences : « parmi les personnes qui ont assisté à la conférence, beaucoup ne seraient sans doute jamais allées à ce type d’événement à l’extérieur. En détention, c’était une opportunité pour elles de s’initier à la science et d’ouvrir leur esprit à de nouvelles disciplines. »
Cette initiative découle d’un appétit personnel pour la vulgarisation des sciences, nourri par son engagement passé dans l’association Génépi (pour Groupement Étudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées) : « J’intervenais déjà en milieu carcéral lorsque j’étais étudiant, et cette envie de partager la connaissance jusqu’en maison d’arrêt ne s’est pas arrêtée. »
Et la lumière fut !
Intitulée « À la lumière du laser », cette conférence vulgarisée et expérimentale alternait explications théoriques sur la lumière, les lasers et leurs applications, et une dizaine de manipulations pour démystifier les phénomènes lumineux (fontaine laser, transmission du son sur faisceau optique, spectroscopie, démonstrateur de télémétrie LIDAR…).
« Pour expliquer simplement ces concepts complexes, on utilise des analogies, pour rendre la conférence la plus pédagogique possible tout en explicitant la dynamique des photons. En vulgarisant beaucoup, on peut comparer les photons d’une lumière « classique » à des coureurs de marathon, chacun porte un dossard d’une couleur différente. Ils courent à des vitesses et dans des directions variées. Un laser par contre, c’est plutôt comme un relais dans un stade où les coureurs ont des dossards de la même couleur et se dupliquent à l’identique à chaque passage de témoin ».
Pour le reste, il aurait fallu assister à la conférence qui a eu lieu le 5 décembre devant un public détenu mixte d’une trentaine de personnes !
Centrale Méditerranée : un acteur engagé sur son territoire
Cette action, menée en partenariat entre l’École, le laboratoire, le centre pénitentiaire de Marseille et le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation des Bouches du Rhône (SPIP 13), illustre le rôle de Centrale Méditerranée comme un moteur d’innovation sociale et scientifique sur le territoire méditerranéen. Loin de se limiter aux amphithéâtres ou aux laboratoires, l’École encourage ses chercheurs à s’investir dans des projets qui brisent les barrières d’accès et élargissent les perspectives des publics éloignés de la science.
Pour Julien Fade, cette démarche spontanée pourrait en inspirer d’autres : « Nous souhaitons créer du lien, déconstruire les idées reçues à la fois sur la science et sur la prison, et pourquoi pas inciter d’autres laboratoires à reproduire ce genre d’initiative. Je connais déjà un collègue au laboratoire qui serait intéressé pour proposer une conférence à son tour. »