Les technologies quantiques tiendront-elles leurs promesses ?
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En raccourcissant de façon spectaculaire les temps de calcul, les ordinateurs quantiques, jusqu’à un milliard de fois plus rapides que les modèles classiques, seraient capables de performances inouïes : leurs outils de simulation serviraient des secteurs aussi variés que la chimie, la santé, l’énergie et les transports. De leur côté, les capteurs quantiques, d’une sensibilité et d’une précision inédites, renouvelleraient les dispositifs de positionnement, le génie civil, les télécommunications, la prévision des séismes... Quant à la cryptographie post-quantique, elle ouvre d’ores et déjà l’ère des communications infalsifiables et inviolables.
Entrailles d’un ordinateur quantique. Ici, la machine, encore en développement, n’opère plus avec des bits, mais des qubits. -
Le monde extraordinaire de l’infiniment petit
Apparue à l’orée du XXe siècle, la physique quantique étudie la matière à l’échelle microscopique ; elle en décrit les composants (atomes, électrons, photons, etc.) et leurs interactions. À l’origine, les scientifiques cherchaient à déterminer la nature exacte de la lumière : onde ou particule ? Les deux !, répondit un certain Albert Einstein : la lumière est à la fois onde et particule. Inconcevable à l’échelle macroscopique, ce « à la fois » illustre la première révolution quantique.
Révélant les comportements « étranges » des atomes et des particules, la physique quantique bouleverse la vision du monde alors communément partagée, crée de nouveaux concepts et catalyse une série d’inventions, dont le transistor, le laser ou encore le microprocesseur.
D’une révolution à l’autre
La première révolution quantique désigne ainsi tout le développement conceptuel de la théorie quantique, entrepris entre les années 1900 et 1930. En 1935, Einstein met en lumière l’étrangeté d’une propriété quantique : l’« intrication » et son corollaire, la non localité. L’intrication quantique désigne le phénomène qui lie inextricablement deux particules, de sorte que modifier les propriétés de l’une modifie automatiquement et simultanément l’autre, ce, indépendamment de la distance qui les sépare (non localité quantique). Einstein, qui niait la plausibilité d’une telle connexion, qualifiait l’intrication quantique d’« action fantôme à distance » et tenait la théorie quantique pour incomplète.
Qu’à cela ne tienne, les travaux du célèbre physicien sont repris par John Bell en 1964. Nul doute que le premier serait tombé de l’armoire s’il avait été encore vivant en 1981, lorsque la nature non locale de la physique quantique fut expérimentalement démontrée par Alain Aspect et son équipe, marquant le début de la deuxième révolution quantique, toujours en cours.
Le principe de superposition quantique, contre-intuitif et vertigineux
La superposition témoigne de la capacité des atomes et autres photons à se situer dans deux états à la fois ; des états qui peuvent se superposer, qui plus est. L’exemple le plus parlant est peut-être celui du bit d’information. Celui-ci ne connaît que deux états classiques : 0 ou 1. Dans l’informatique quantique, le qubit est à la fois 0 et 1. Lier et superposer les différents états démultiplie les capacités de calcul, puisqu’il devient alors possible d’effectuer plusieurs calculs simultanément (parallélisme quantique).
De nouvelles formations pour de nouveaux métiers
Si, jusque dans les années 1990, les physiciens accordaient peu d’importance aux aspects fondamentaux de la théorie quantique, le vent a bien tourné depuis. Qui téléporte des polarisations de photons uniques, qui intrique des particules... Des chercheurs, à travers le monde, explorent les potentialités et futures applications de la physique quantique.
Le changement d’ampleur qui adviendra sans doute bientôt requerra plus de chercheurs et d’ingénieurs spécialisés en physique quantique, mais aussi des spécialistes en cryogénie, cryptographie, algorithmique, entre autres.
La France a défini une stratégie nationale sur les technologies quantiques qui s’inscrit dans le plan d’investissements France 2030 (34 milliards d’euros), tout comme l’appel à manifestation d’intérêt Compétences et métiers d’avenir (AMI CMA), opéré par l’Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts.
Pour les mondes scientifique, économique et politique, les enjeux sont considérables et la compétition pour maîtriser les technologies quantiques, internationale