[Alumni] Astrid Cardona Maestro, ingénieure à l’Ademe après 10 ans dans la pétrochimie
Je suis née à Angers. Une fois mon bac C (scientifique) en poche, j’ai tenté d’aller à la fac, mais cela ne m’a pas trop réussi. J’ai ensuite bifurqué vers un BTS de chimie à Angers puis une maîtrise des sciences et techniques des procédés physico chimiques à Toulouse. Puis, j’ai intégré l’ENSSPICAM* (École nationale supérieure de synthèses, procédés et ingénierie chimiques d'Aix-Marseille) en deuxième année en 1992 dans l’option génie des procédés.
*L’ENSSPICAM a fusionné avec d’autres écoles pour former Centrale Méditerranée.
Quels souvenirs gardez-vous de votre passage à l’École ?Sur le plan humain, je garde un très bon souvenir de ces deux années d’École à Marseille. Je me souviens très bien de la phase d’intégration. Le BDE avait organisé un parcours à travers Marseille et sa région avec des énigmes à découvrir à chaque étape : dans les Baux de Provence, sur le bord de mer. On était par équipe avec des challenges à relever.
Je me souviens aussi du gala spectacle que nous organisions à Marseille avec d’autres écoles. Nous avions monté tout un numéro pour représenter l’École qui mêlait danse et théâtre. Après le passage des différentes écoles, nous étions même arrivés deuxième ou troisième au classement.
Et puis, j’aurais peut-être dû commencer par là (rires), j’ai rencontré mon futur mari à l’école !
Quel parcours avez-vous suivi au sein de la formation ?L’ENSPICAM avait été créée pour les besoins de l’industrie pétrochimique et du raffinage. La formation était donc très orientée et beaucoup moins généraliste que ce qui est proposé aujourd’hui par Centrale Méditerranée. Comme toutes les écoles qui avaient une composante chimie, les promotions étaient relativement bien équilibrées entre garçons et filles. Dans mon cas on était même plus de la moitié de filles.
Et quelle a été la suite après votre diplôme ?En 1994, nous sommes arrivés sur le marché du travail et c’était vraiment compliqué de décrocher un premier emploi. La majorité de mes collègues ont eu beaucoup de mal, beaucoup se sont réorientés vers l’informatique ou l’enseignement. Moi, j’ai temporisé, je suis revenue à Toulouse où j’ai fait une année supplémentaire à l’INP en ingénierie et management de projet.
Ça m’a permis ensuite de faire un stage chez EDF puis, j’ai été embauchée dans un petit cabinet de conseil pour travailler sur les démarches de qualification et assurance qualité. J’y ai travaillé pendant un an. Puis j’ai décroché un poste en ingénierie dans la pétrochimie en région parisienne, j’y suis restée un an en CDD. J’ai intégré ensuite la raffinerie BP à Lavéra près de Marseille en tant qu’ingénieure procédés. J’y suis restée 10 ans.
Quel regard portez-vous sur cette décennie passée dans une raffinerie ?C’était un métier très différent de ce que je fais aujourd’hui mais qui m’a permis d’avoir une meilleure compréhension du monde de l’industrie, de ses enjeux et de ses contraintes. Je me souviens que c’était un univers très masculin, il y avait encore peu de femmes qui travaillaient à l’usine même si cela évoluait. C’était un milieu que je trouvais assez hostile avec un environnement pollué, bruyant et pas très zen. Mais ce n’était pas du tout le cas dans les relations humaines..
Pourquoi en êtes-vous partie ?Pendant ce temps-là mon mari avait démarré sa carrière à Sophia Antipolis près de Nice. On vivait à distance on se retrouvait le week-end. Après la naissance de notre deuxième enfant, c’était devenu très compliqué pour moi, pour concilier le plan professionnel et familial.
Je ne me sentais pas à l’aise dans le milieu de la production. Et puis j’ai été confrontée aux décès de deux personnes avec lesquelles j’ai travaillé et ça m’a touchée... J’ai donc décidé de rapprocher notre famille.
Après votre expérience dans la pétrochimie, vers quoi vous êtes-vous tournée ?D’abord j’ai rejoint une start-up spécialisée dans le solaire thermodynamique en 2008 à Sophia-Antipolis. A cette occasion, j’ai commencé à vraiment m’intéresser aux énergies renouvelables.
Au sein de l’usine, j’avais eu un poste de coordinatrice énergie et suivi des émissions de gaz à effet de serre. Ça m’a sensibilisée et formée à tout ce qui était optimisation des consommations d’énergie d’une usine, à comment les réduire notamment en terme de coût et d’impacts sur l’environnement. On parlait déjà à cette époque de quotas de CO2.
J’y suis restée un an. C’est tombé au moment de la crise boursière et ça a été compliqué notamment en termes de levée de fonds des investisseurs. Je ne voyais pas vraiment cette start-up perdurer. C’est à ce moment-là que l’Ademe s’est lancée dans un grand programme de recrutement, lié à la mise ne place du « Fonds chaleur renouvelable » dispositif d’aides financières doté par l’État. J’ai été embauchée en 2009 au sein du Réseau et énergies renouvelables.
Quelles sont vos missions au sein de l’Ademe aujourd’hui ?Je suis plus particulièrement en charge du développement de la filière géothermie (qui consiste à exploiter la chaleur naturelle contenue dans le sous-sol). J’occupe un rôle de coordinatrice de filière en lien avec les Pouvoirs Publics (le Ministère de la Transition écologique), avec les partenaires extérieurs notamment avec l’association qui fédère les entreprises du secteur, mais aussi les collectivités, les entreprises qu’il faut réussir à convaincre de passer aux énergies renouvelables.
J’ai une mission d’animation et de structuration de la filière, d’accompagnement des porteurs de projet (maîtres d’ouvrage publics et privés), d’aide au financement des projets. Je suis également la montée en compétences des différents acteurs pour obtenir des qualifications professionnelles, j’assure la communication, l’information, la sensibilisation sur la filière au plan national.
Qu’est-ce qu’un.e ingénieur.e responsable selon vous ?L’ingénieur responsable c’est celui qui arrive à concilier son métier avec ses préoccupations personnelles, tout ce qui touche à l’environnement à la transition écologique, à la lutte contre le dérèglement climatique.
Je prends vraiment la dimension de l’ingénieur responsable dans mon quotidien, je me sens utile dans mon activité. Je n’ai pas la prétention d’être indispensable, irremplaçable mais je vois l’impact de mes actions. Avec l’hiver que l’on s’apprête à vivre, dans le contexte actuel de crise énergétique, avec tous les objectifs environnementaux que nous nous sommes fixés, nos missions à l’Ademe prennent tout leur sens.
Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que la transition écologique ne doit pas être vécue comme une contrainte mais comme une opportunité carelle peut être source d’emploi dans toutes les activités. Par exemple, dans la pétrochimie on parle de biocarburant, de stratégie bas carbone pour s’affranchir des éneries fossiles. L’activité industrielle peut continuer à se développer en respectant la transition écologique.
J’aimerais dire également que les femmes dans la transition écologique ont un côté plus consensuel que les hommes. Nous sommes plus à l’écoute, nous allons plus nous attacher à trouver une solution de compromis, de consensus, avec les acteurs et parties prenantes. On parlait au début de l’entretien de la proportion de femmes à l’École. Je dirais même que si les acteurs se sont beaucoup féminisés dans le domaine de la transition écologique, les femmes devraient encore pouvoir renforcer leur rôle et leur place dans ce secteur d’activité.
Que diriez-vous aux étudiants ingénieurs qui seront bientôt diplômés ou viennent de l’être et se posent des questions sur leur avenir, notamment par rapport à leurs convictions ?L’Ademe recrute tous les profils et ils m’ont embauchée alors que je venais de la pétrochimie ! Il est toujours possible de réorienter sa carrière en fonction de ses convictions, de ses motivations. On n’est jamais définitivement enfermés dans un secteur d’activité. Le propre des écoles d’ingénieurs c’est de former ses étudiants aptes à s’adapter à différents métiers.